Le bleu marine n’a jamais trouvé grâce aux yeux d’Elizabeth II. Alors que cette nuance, gage de sobriété chic chez nombre d’aristocrates européens, règne sur les tapis rouges et les cérémonies outre-Manche, la souveraine l’a presque rayée de sa propre partition. Les tailleurs les plus réputés du Royaume-Uni le confirment : la reine préfère de loin les tons éclatants, ceux qui s’imposent à l’œil, ceux qui font signal autant que style.
Ce refus du bleu marine bouscule les traditions et redessine l’identité visuelle de la monarchie. Les créateurs ayant œuvré pour la cour le répètent : cette préférence a reconfiguré la perception de la mode royale, influençant jusqu’aux codes vestimentaires de l’aristocratie moderne.
Le style vestimentaire d’Elizabeth II, entre tradition et affirmation de soi
Dans les salons feutrés de Buckingham, le style d’Elizabeth II n’a jamais été improvisé. Figure centrale de la famille royale britannique, elle organise sa garde-robe avec une précision qui s’apparente à la science. Depuis 2002, Angela Kelly, sa styliste attitrée, veille sur chaque détail : la nuance, la coupe, le moindre accessoire. Le beige ? Trop effacé, vite écarté. La couleur vive ? Impérative, pour être immédiatement repérée lors des déplacements officiels, bien au-delà d’un simple choix esthétique.
Aucune silhouette n’échappe à la règle : chaque ensemble s’adapte au protocole, au lieu, à l’instant. Norman Hartnell signe la robe du couronnement, Hardy Amies façonne des années de tailleurs, la Queen Mum murmure ses conseils avisés. Les robes dominent encore, les pantalons restent rares. Chapeau et gants Cornelia James : deux incontournables, codifiés à l’extrême. La gestuelle se fait langage.
Quelques éléments phares résument cette discipline vestimentaire :
- Le sac Launer, toujours au bras de la reine depuis plus de cinquante ans, reste un repère visuel.
- Les mocassins noirs d’Anello & Davide foulent aussi bien les pelouses de Balmoral que les tapis solennels de Westminster.
- Le triple rang de perles et la broche héritée : autant de symboles, de repères, de messages silencieux.
Les fournisseurs choisis, Rigby & Peller pour la lingerie, Fulton pour les parapluies, Roger Vivier pour les chaussures, ne reçoivent pas leur Royal Warrant par hasard. Les ourlets sont lestés pour éviter les incidents, le sac sert parfois à transmettre des consignes discrètes à l’entourage. Chez Elizabeth II, la mode n’est pas un simple ornement : elle devient un outil de représentation, un langage à part entière qui s’inscrit dans l’histoire et l’exigence.
Pourquoi la reine évitait-elle une couleur en particulier ?
Jamais rien n’a été laissé au hasard, et surtout pas la palette de couleurs. Si les photos officielles révèlent une nette prédilection pour le bleu, le beige reste presque totalement absent des archives. Ce n’est pas un oubli, mais une stratégie réfléchie. Le beige, trop discret, fait disparaître la silhouette royale dans la foule : impossible, donc, de l’adopter lors des apparitions publiques. Être vue, c’est une exigence qui guide chaque choix.
Le noir, lui, occupe une place très codifiée : il n’apparaît que lors des périodes de deuil ou des commémorations. C’est la couleur de la gravité, du recueillement, jamais celle du quotidien. Pour le reste, chaque teinte a sa raison d’être : le bleu apaise, le vert rappelle la nature, le violet convoque la royauté, le jaune annonce la célébration. La garde-robe d’Elizabeth II fonctionne ainsi comme un langage secret, où chaque contraste délivre un message subtil.
Voici comment ces codes se matérialisent :
- Le beige : banni des sorties publiques, il rend la reine invisible.
- Le noir : réservé aux moments de gravité, jamais choisi à la légère.
- Les couleurs vives : marque de fabrique, elles incarnent la volonté de se distinguer et d’insuffler une modernité maîtrisée à la monarchie.
Angela Kelly veille à ce que ces règles soient respectées à la lettre. Derrière chaque choix chromatique se cache une volonté de scénographier la représentation royale. La mode s’élève ici au rang d’outil diplomatique, frontière mouvante entre l’héritage et la communication contemporaine.
L’influence durable de ses choix chromatiques sur la mode royale et l’image de la monarchie
La garde-robe de la famille royale britannique ne se contente pas de perpétuer la tradition : elle rayonne, inspire et attire les regards des créateurs. Depuis les premiers modèles dessinés par Hartnell et Amies jusqu’aux collaborations actuelles avec Angela Kelly, la palette d’Elizabeth II façonne les règles du chic britannique. Le beige, relégué aux oubliettes, en devient presque provocant. Les couleurs éclatantes, elles, se posent comme une déclaration de visibilité et d’autorité.
Souvenons-nous d’une scène marquante : lors d’un défilé Richard Quinn, la reine trône au premier rang, observée par Anna Wintour et toute la planète mode. Cette présence, symbole d’élégance assumée, fait frissonner le parterre. Des créateurs comme Vivienne Westwood, Roland Mouret ou Simone Rocha revisitent ces codes : tailleurs pastel, chapeaux architecturés, sacs iconiques, tout devient clin d’œil à cette influence majeure.
La mode britannique s’empare alors de cette discipline pour mieux la réinventer. Meghan Markle et Kate Middleton perpétuent cette mise en scène : chaque apparition soigne la couleur, l’accessoire, le message. Les grands noms, Richard Quinn, Erdem, Emilia Wickstead, Alexander McQueen, réinterprètent à leur façon l’ADN royal, entre fidélité et audace créative.
Ces orientations se traduisent concrètement :
- Le Royal Warrant devient un passeport pour les maisons qui fournissent la cour, leur offrant une renommée mondiale.
- Le choix des couleurs sert autant la stratégie d’image que la diplomatie.
- La Fashion Week de Londres s’inspire régulièrement des codes royaux, la monarchie se transformant en source d’idées pour les tendances à venir.
Le style d’Elizabeth II s’est glissé dans le pop art, a inspiré la culture visuelle, et s’affiche aussi bien sur des pochettes de disques que dans les vitrines de jouets. La monarchie britannique ne se contente plus d’incarner la tradition : elle s’impose comme une véritable référence esthétique, capable de susciter l’admiration comme la surprise, de Westminster à Tokyo.